Articles - WEILL Marie-David
Marie, Figure et Mère de l'Eglise vivant de la Parole de Dieu.
Une lecture de l'exhortation Verbum Domini
Marie-David Weill
Association Nouvelle revue théologique | « Nouvelle revue théologique »
2019/3 Tome 141 | pages 395 à 410
ISSN 0029-4845
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-theologique-2019-3-page-395.htm
Extrait:
NRT 141 (2019) 395-410
M.-D. Weill c.s.j.
Marie, figure et mère de l’Église vivant de la Parole de Dieu. Une lecture de l’exhortation Verbum Domini
En 1965, Dei Verbum soulignait la visée dialogale, et même nuptiale, de l’acte de la Révélation :
Par cette révélation, Dieu, invisible, à cause de son immense amour, s’adresse aux hommes comme à des amis et converse avec eux, pour les inviter à la communion avec lui. (DV 2)
Par [la] Tradition, Dieu, qui a parlé autrefois, converse sans interruption avec l’Épouse de son Fils bien-aimé. (DV 8)
Selon les mots du Cardinal Marc Ouellet, Dei Verbum constituait un véritable tournant dans la manière de traiter de la Révélation divine. Au lieu de privilégier comme auparavant la dimension noétique des vérités à croire, les Pères conciliaires ont mis l’accent sur la dimension dynamique et dialogale de la Révélation comme autocommunication personnelle de Dieu. Ils ont ainsi posé les bases pour une rencontre et un dialogue plus vivant entre Dieu qui appelle et son peuple qui répond1.
« Posé les bases », oui… mais des bases qui n’ont pas toujours porté dans la vie de l’Église les fruits escomptés. En 1989, J. Ratzinger, alors Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, dressait un bilan sévère sur la réception (ou la non-réception !) de Dei Verbum en dénonçant notamment le hiatus devenu total entre l’exégèse – dominée par les méthodes historico-critiques –, le dogme – auquel on a retiré le soutien de l’Écriture – et la spiritualité – privée de sa validation théologique. Pour redresser la barre, disait-il, « il faudra encore le travail d’au moins une génération2 ».
Or, une génération plus tard, Joseph Ratzinger, devenu Benoît xvi, convoque un Synode pour réfléchir sur « la Parole de Dieu dans la vie et la mission de l’Église ». Dans l’exhortation apostolique post-synodale Verbum Domini (désormais abrégé VD), en 2010, il réaffirme, dans la ligne de Dei Verbum, la perspective dialogale et nuptiale de la Révélation :
Dieu se fait connaître à nous comme Mystère d’amour infini dans lequel le Père depuis l’éternité exprime sa Parole dans l’Esprit Saint. Par conséquent
le Verbe (…) nous révèle Dieu lui-même dans le dialogue d’amour des Personnes divines et il nous invite à y participer. (VD 6)
Ainsi, nous pouvons nous aussi entrer dans le grand dialogue nuptial par lequel se clôt l’Écriture Sainte. (VD 124)
Mais Verbum Domini cherche surtout à approfondir, plus que ne le permettait la brièveté du texte de Dei Verbum, la réponse que l’Église est appelée à donner à Dieu qui se révèle. Et pour mieux cerner les contours et le contenu de cette réponse ecclésiale, il propose de partir de la figure de la Vierge Marie :
L’attention pleine d’amour et de dévotion à la figure de Marie comme modèle et archétype de la foi de l’Église est d’une importance capitale pour opérer aujourd’hui aussi un changement concret de paradigme dans la relation de l’Église avec la Parole, aussi bien dans l’attitude d’écoute orante qu’à travers la générosité de l’engagement pour la mission et l’annonce. (VD 28)
Notons que Dei Verbum ne mentionnait jamais explicitement la figure de Marie, mais y faisait une discrète allusion au n°8, dans le paragraphe sur la Tradition, en parlant des croyants qui « méditent dans leur coeur les réalités et les paroles transmises (cf. Lc 2,19 et 51) » permettrait de trouver les éléments essentiels à une synthèse entre la méthode historique et l’“herméneutique” théologique, mais ce rapport ne saute pas immédiatement aux yeux. De fait, la réception post-conciliaire a pratiquement négligé la partie théologique de l’énoncé, vue comme une concession au passé, et n’a conçu le texte que comme une confirmation officielle et illimitée de la méthode historicocritique.
(…) Le hiatus entre exégèse et dogme est devenu total depuis lors, y compris au sein de l’Église catholique. En celle-ci aussi l’Écriture est devenue une parole du passé que chacun tente de transposer au présent à sa manière, sans pouvoir pour autant faire confiance au radeau sur lequel il s’embarque pour cette traversée. La foi est rabaissée à une sorte de philosophie de la vie que chacun tente de distiller à partir de la Bible du mieux qu’il le peut. Le dogme, auquel on a retiré le soutien de l’Écriture, ne soutient plus rien. (…) [Pour rendre] justice aux découvertes désormais assimilées de la méthode historique tout en surmontant ses limites et en l’ouvrant à une herméneutique appropriée (…) il faudra encore le travail d’au moins une génération. » [...]
1. M. Ouellet, Conférence d’ouverture lors du Synode des évêques sur la Parole de Dieu dans la vie et la mission de l’Église (6 oct. 2008), <fr.zenit.org/articles/
synode-texte-integral-de-l-intervention-du-cardinal-ouellet-6-octobre> (consulté le 11 jan. 2019).
2. J. Ratzinger, « L’exégèse au coeur des débats. À propos des fondements et des voies actuelles de l’exégèse » (1989), dans La Parole de Dieu. Écriture sainte - Tradition - Magistère, Paris, Parole et silence, 2007, p. 102-103 : « Personnellement, je suis vraiment persuadé qu’une lecture attentive de l’intégralité du texte Dei Verbum
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