Journée Laudato Si'

Le 16 Avril s’est tenue au sein du Studium une journée sur le thème de l’encyclique Laudato Si'. Prévue à l’origine pour fêter les 5 ans de la parution de ce texte du pape François, elle a été reportée plusieurs fois à cause des confinements successifs. Finalement, elle s’est tenue en comité relativement restreint, et ce sont surtout les étudiants et professeurs qui ont donné de la matière à cette journée d’étude. 

Présidée par le P. Jean-François Lefebvre et animée par l’équipe de préparation, c’est à dire notre délégué Louis-Henri, ainsi que Damien et Louis, la journée a reçu beaucoup de retours très positifs. 

Le matin, deux disputatio ont eu lieu. Ces joutes oratoires entre deux équipes qui tiennent des positions divergentes permettent de prendre une question avec un point de vue a priori incompatible pour chercher à avancer ensemble vers la vérité. Effectuées avec une grande cordialité, elles consistaient en pratique à présenter pendant 15 minutes une position à laquelle succédait une réponse de l’autre équipe qui répondait et exposait sa position pendant 20 minutes. La première équipe répondait alors pendant 5 courtes minutes avant de laisser la place à des échanges avec tous ceux qui assistaient pendant 20 minutes. Un professeur finissait en donnant des pistes de réflexion et des indicateurs pendant 10 minutes.

Le premier thème concernait la moralité présente dans l’acte de manger. La première équipe a insisté sur l’origine des aliments, qui nous parviennent après un circuit de production et de distribution qui soulève des questions environnementales, sociales, et donc éthiques. Elle a aussi mis en avant dans la bible que manger renvoie à la relation que l’homme peut avoir avec Dieu, avec les autres hommes et avec la création toute entière. Enfin, d’un point de vue plus proche de la théologie morale, manger engage la volonté et entraîne une dimension morale. Une joyeuse irresponsabilité ou un assouplissement moral sont des arrangements avec les vices.

A ceci, la deuxième équipe a répondu qu’il n’est pas toujours évident que les personnes disposent d’une volonté éclairées lorsqu’elles mangent, que les circonstances jouent dans la réduction de la moralité qui est engagée dans l’acte et que la nécessité peut également réduire la responsabilité de celui qui mange.

Les échanges ont permis d’élargir le débat et de donner des exemples. La reprise, faite par le P. François-Régis Wilhélem, mettait en avant que la doctrine sociale de l’Église voit réellement dans l’acte de manger un acte humain, et qu’il pose la question de la destination universelle des biens et de la création, qui est pour tous. L’oeuvre de rédemption de Jésus passe par la création et les aliments, aussi bien à Cana qu’à la Cène ou lorsque Jésus ressuscité mange du poisson au bord du lac.

Le deuxième thème devait aborder le lien entre transhumanisme et création, mais c’est davantage arrêter sur le premier terme. La première équipe a insisté sur les réalisations techniques qui permettent d’améliorer la qualité de vie de l’être humain, sur la frontière parfois floue entre réparation et augmentation, et sur la possibilité pour l’homme de participer activement à sa propre évolution en s’adaptant en même temps qu’en adaptant l’environnement.

La deuxième équipe a répondu en posant beaucoup de questions, notamment sur la proportion entre les moyens pris et la fin recherchée, sur le rapport que l’homme entretient avec le monde et les autres, puisqu’il y a un risque d’auto-destruction, et enfin sur la place de la dignité ou de la fragilité humaine dans un monde dominé par les machines.

La réponse de la première équipe et les échanges avec le public ont soulevé une foule d’autres questions auxquelles il ne serait pas juste de répondre trop vite. La reprise par le P. Gilles Garcia a davantage donné de pistes de réflexion, en indiquant que le transhumanisme est une idéologie qui est une extropie, une utopie dans laquelle l’homme préfère la technologie à la biologie, où l’homme devrait prendre la place de Dieu pour réparer ses prétendues erreurs. Si plusieurs points positifs peuvent être relevés, comme le fait de manifester le génie humain, ouvrir un avenir dans ce monde désenchanté ou favoriser la convergence de disciplines diverses, plusieurs limites sont redoutables, parmi lesquelles l’imposition d’un nouveau paradigme techno-scientifique évacuant les autres dimensions de l’homme, un regard très négatif sur le corps et la nature, et une idolâtrie de la machine à laquelle l’homme veut ressembler.

Après la messe et le repas, des tables rondes ont lieu, d’abord autour du thème de la création et de l’alliance, avec le P. Pierre Coulange et le P. Claude Sarrasin. Le premier a insisté sur les alliances que Dieu fait avec l’homme dans la bible, qu’il y a une harmonie présente dans la création. Le pape François appelle à faire le lien entre la relation que l’on entretient avec Dieu, les pauvres, la création, notre porte-monnaie et l’énergie. Tout est lié. L’homme est acteur et victime de son action lorsqu’il blesse la création, menaçant l’alliance avec le monde. Le P. Claude Sarrasin a insisté sur les derniers chapitres de l’encyclique, montrant que la création trouve au maximum son sens avec l’Incarnation du Fils de Dieu. Dieu est présent dans sa création et passe par elle pour rejoindre les hommes. L’Eucharistie est le prolongement de l’incarnation et valorise le corps et la création.

La deuxième table ronde portait sur la question du progrès, et a consisté en un cours exposé de Louis sur ce qui en a été dit par l’Église durant l’histoire et dans la littérature, toujours avec un lien fait avec les solutions proposées par le pape dans l’encyclique. Monsieur Basile Sadek, professeur de philosophie à Marie Pila, a ensuite fait un exposé plus philosophique sur l’idée de progrès depuis les Lumières, allant jusqu’à Descartes et Francis Bacon, jusqu’au réveil douloureux du XXe siècle et des dégâts causés par la technologie lorsqu’elle est combinée à des idéologies meurtrières. Un progrès authentique doit donc s’accompagner du sens bien, d’un optimiste réaliste et s’insérer dans une écologie intégrale.

Enfin, le P. Jean-François Lefebvre a rendu grâce pour cette belle journée, qui a donné lieu à une recherche généreuse du vrai autour de questions complexes, qui repose encore cette question : « qu’est-ce que l’homme ? » C’était un beau moment de théologie, à l’écoute de la parole de Dieu et des questions de l’homme d’aujourd’hui. La question d’une nouvelle édition est ouverte.


Louis Chauvière, étudiant en troisième année de théologie et animateur de la journée Laudato Si'